MUSIQUE : RENCONTRE AVEC POMME « Je ne fais pas de musique genrée »

 « C’en est assez des amours blêmes et des cœurs brisés en morceaux, de ces chansons sur le même thème, qui ont épuisé tous mes mots  » en quelques rimes, Pomme, 21 ans, bouscule les préjugés adolescents d’une génération d’artistes (Pi Ja Ma, Tim Dup, Ropoporose…) qui commence doucement mais sûrement à s’affirmer au même titre que des Fishbach, Cléa Vincent, Eddy de Pretto, Blondino ou Juliette Armanet. Avec ces allures scéniques à la June Carter et une certaine précocité musicale, la jeune femme s’émancipe aujourd’hui dans sa façon d’aborder la musique et dans la description de son quotidien. Rencontre avec une artiste sensible qui n’a pas sa langue dans sa poche.

 

Tu as commencé assez jeune dans le milieu de la musique, un milieu rude où il faut travailler énormément pour se faire une place. Aujourd’hui quel regard as-tu sur ton parcours et comment te projettes-tu ?

Ce qui s’est passé, c’est que, quand j’avais 16 ans, j’ai fait un duo avec un artiste (Ben Mazue) qui était dans une grosse maison de disque, qui a fait un album de variété hyper radiophonique et ça m’a fait être hyper exposée d’un coup. Je suis passée par des petits bars et quand j’ai fait ce duo avec ce gars, on faisait des plateaux, radios, plein de promo…
Et je ne sais pas si ça m’a exposée de la bonne manière parce que c’était un peu soudain. Ensuite, je suis revenue à refaire mon projet. Après, ça a été étrange. Ca ne m’a pas désillusionnée mais ça m’a peut-être donné une image un peu rapide de ce que c’était de sortir un album, de faire la promo… Je me suis aussi rendu compte qu’il n’y avait pas qu’une seule façon de sortir un album. Je pense que j’ai peut-être eu une image un peu généraliste à 16 ans et ensuite, en développant mon projet, j’ai découvert qu’il avait d’autres moyens trop cools par la scène, le web, en faisant des collaborations, en rencontrant des gens…

Le seul truc important dans ma tête, c’est de rester hyper centrée et de toujours essayer d’être au plus proche de ce que j’ai envie de faire. Et donc, au final, le travail ça ne me fait pas peur si tu fais vraiment la musique que tu as envie de faire et que tu es honnête. C’est le seul travail où j’ai pas l’impression de travailler. Ca me dérange pas de me lever pour faire des concerts, faire du studio. Je trouve ça cool. J’ai l’impression d’être à ma place, après évidemment, c’est un peu angoissant. Aujourd’hui, j’ai le statut d’intermittente et le statut d’intermittence, en France, il est hyper cool. Il n’existe pas beaucoup dans d’autres pays – à part la Belgique – sinon en Europe, c’est un peu la « dèche ». Et donc du coup, je considère qu’aujourd’hui, je suis quand même bien lotie. Je pense que j’aurai été prof, comme ce que j’avais prévu à la base, j’aurai été heureuse mais j’aurai toujours eu envie d’aller plus loin dans la musique. Là, je sais que 100 % de mon temps, c’est ça.

Avec les paroles de certaines chansons, sans être ouvertement explicite, tu parles de sujets comme l’infidélité, la mort et bien sûr, d’autres un peu plus léger qui t’engagent dans une vision plutôt mature de la vie. Quel est ton rapport à l’écriture et la composition ?

J’ai de mon côté, écrit et composé 5, 6 titres sur l’album :  » On brûlera « , « A peu près« ,  » La Lavande « , » La gare  » – entre autre – et il y a deux titres composés par Julien Bensé. La chanson « La Gare« , c’était à l’époque où je faisais le duo. Je l’ai écrite il y a un an et ce que je raconte dans la chanson, je l’ai vécu quand j’avais 17 ans, un peu mauvais délire et en fait, je me suis rendu compte que la situation était un peu intense et que c’était n’importe quoi. C’est un album où je parle ouvertement de plein de trucs. Après l’histoire de la gare, je l’ai un peu romancé, en vrai,  c’était pas aussi cool que ça. Je pourrais aussi écrire une version B de cette chanson.
Aussi, ce qu’il se passe, c’est que tu n’as pas tout le temps le recul nécessaire, même 2 ans après. Tu n’as pas forcément assez de recul pour te rendre compte de ce qui était cool ou pas et quand j’avais 17 ans et lui 33, ce n’était pas si normal que ça. Et je pense que quand tu écris la chanson, tu romances un peu. J’ai quand même un voile de protection de pas dévoiler toute ma vie dans les plus grand détails.

La musique c’est définitivement un peu comme une psychothérapie ?

L’album c’est la représentation d’une période où j’ai évolué et du coup, il y a des chansons qui sont un peu plus légères et un peu plus pop parce que c’était ce que j’étais il y a 4 ou 5 ans. Un album, c’est quelque chose que tu peux faire pendant 3 ou 4 ans et il y a des chansons qui sont valables aujourd’hui, certaines qui le seront pendant quelques années et d’autres qui le seront toute la vie. C’est étrange parce qu’il y a toujours un décalage. Je n’en regrette aucune mais d’autres que je porte plus ou moins.
Quand tu évolues, tu te rends compte que certaines chansons te collent à la peau tout le temps et d’autres qui sont plus éphémères, plus accrochées à une période. Mais je n’en regrette vraiment aucune et je pense pour le coup que l’album est vrai et grâce aux chansons un  peu plus légères ça met aussi en lumière des chansons un peu plus sombres. Je pourrais faire un album de 13 chansons hyper sombres mais aujourd’hui, je suis plus dans quelque chose de léger avec des chansons comme « Pauline« , « Même robe qu’hier » parce que j’aime bien ce côté-là et peut-être que mon 2ème album sera plus sombre, hyper différent, mais en tout cas c’est une représentation de ces trois dernières années de ma vie avec plein de facettes. Je ne considère pas que je suis juste une seule facette, juste triste ou plus gaie.

Beaucoup de gens pensent que je n’écris pas de chansons et ça me saoule. Quand je suis arrivée, j’avais écrit plein de chansons, j’étais auteur-compositeur et c’est juste qu’à 16 ou 17 ans, je n’avais pas beaucoup de chansons terminées mais j’avais la fibre d’écriture, de composition depuis toujours et c’est juste que ça m’a demandé du temps, de la maturation, de l’expérience et donc je me suis faite aidée. On te catégorise vite en fait :  » à 18 ans, c’est encore une poupée« .
Mais, c’est aussi hyper intéressant quand tu as 18 ans et que tu es en train de te découvrir, de voir la lecture de quelqu’un d’autre de toi-même par une personne qui a 10 ans de plus et de le chanter. Ca m’a presque aidé à me connaître, de chanter des chansons que d’autres avaient écrits.

Quelles sont les choses que l’on a pu te reprocher et qui t’énervent ?

Il y a un seul truc qui peut m’énerver, c’est que comme je suis un peu jeune et que justement, j’ai beaucoup interprété des chansons qu’on m’a écrites, du coup on me catégorise comme la jeune chanteuse pop/acidulée/mignonne. Après, c’est aussi la liberté de la presse. Je pense que c’est un alliage dû à mon âge parce que je fais relativement jeune. Peut-être aussi parce que je ne cultive pas tant mon côté « femme ». Du coup, il peut y avoir ce côté un peu relou  mais si je ne suis pas d’accord avec ça, je n’ai qu’à continuer à être moi-même et au bout d’un moment, les gens arrêteront de dire ça. Ce sont aussi des chansons qui parlent beaucoup d’amour, mais « amour » n’est pas égal à cucul/fleur bleu, ça peut aussi être adulte et hyper intense. Les thèmes abordés dans mon album sont aussi la mort, je parle pas mal de trucs hyper angoissants. Quand t’es une meuf de 16 ans, tout le monde pense que t’es un petit animal fragile. J’ai tendance à ne pas trop avoir confiance en moi et à penser que tous les gens qui me font des réflexions négatives ont raison. Les trucs positifs, ils rentrent par une oreille, ils ressortent par l’autre alors que les choses négatives, elles,  elles résonnent dans ma tête pendant longtemps.

Après, je ne le montre pas, mais au début, je trouvais ça difficile parce que quand tu signes dans une maison de disque à 18 ans et que ça commence à être l’exposition, les gens te donnent leur avis, t’es de plus en plus entouré par ces gens qui ont l’habitude de faire ce métier-là et du coup, au début, tu as beaucoup d’aides, beaucoup plus d’avis, qui font que parfois, ça peut t’enlever de la confiance. Mais oui, ça m’a fait évoluer, j’ai eu la chance d’être entouré par des gens quand même bienveillants, ce qui fait qu’aujourd’hui, je sais où je veux aller, que je suis fière de mon premier album et que je serais encore plus fière du deuxième, parce que je fais vraiment ce que j’ai envie de faire.
J’écoute tout le temps les gens mais je sais toujours quel est mon but, je sais où je veux aller et que pour le deuxième album, je voudrais aller vers quelque chose de plus acoustique, plus minimaliste. Je suis en train d’écrire plus de chansons et j’ai envie d’écrire sans trop me poser de questions, sans me dire qu’il faut obligatoirement un couplet, un refrain. J’ai envie de voir ce que ça va donner et j’ai pas fait ce processus-là pour le premier album, c’était plus un mélange entre les chansons que j’écrivais, des chansons qu’on m’écrivait mais comme j’étais aussi plus jeune, je me mettais aussi certaines barrières. Là, j’ai envie d’explorer d’autres trucs dans les sons etc.

Tu n’as jamais pensé à devenir plus engagée sur certains points ?

Je considère que je n’ai pas envie de m’engager politiquement. Mais le #balancetonporc est quelque chose d’hyper important, je l’ai publié. En fait, pour moi c’est d’autant plus important quand t’es une meuf, que t’es un peu exposée et que t’as la chance d’avoir des gens qui t’écoutent mais pas dans mes chansons je pense, plus dans des actions du quotidien.
J’ai juste Tweeté qu’il ne fallait pas avoir peur de te dire les choses si t’es une meuf et que dans le milieu professionnel ou dans la vie, y a des meufs qui se sont rendu compte qu’elles avaient vécu des trucs qui n’étaient pas normaux et pour moi, c’est hyper important d’avoir l’esprit ouvert et de montrer que tu as l’esprit ouvert. Par exemple, je considère qu’écrire une chanson comme « On brûlera » et de l’assumer c’est déjà un engagement. Pour moi, si c’est assumé, il n’y a pas de failles. Je ne suis pas militante mais comme j’en parle dans mes chansons et que j’invite ouvertement Safia (Nolin) à chanter sur mes concerts, quand on chante « On brûlera », ensemble, ça signifie quelque chose.

En fait, je suis plus partisane dans les chansons d’en parler, sans forcément en parler en dehors et de militer spécialement. Je ne revendique rien, c’est juste que j’en parle exactement comme si j’étais dans une relation avec un mec. Il n’y a aucune différence pour moi et du coup rien que ça, pour certaines personnes, c’est beaucoup déjà et je pense que la chanson  » On brûlera « , elle prend deux fois plus d’ampleur quand on la chante ensemble. Elle est symbolique. Je pense qu’effectivement c’est rare de voir deux meufs chanter une chanson d’amour sur scène. Ca n’existe pas. Personnellement, je n’ai jamais vu deux meufs dire  » on a une chanson d’amour, on la chante sur scène ». Mais pour moi, c’est pas du militantisme, c’est juste assumé et vouloir vivre son truc normalement, comme si c’était un duo H/F classique. Peut être que par ça, c’est une prise de position que j’assume mais je n’ai pas spécialement envie d’en faire des discours. J’ai juste envie de vivre normalement.

Dans l’album, il y a d’autres chansons où ce n’est ni féminin, ni masculin où ça peut être adressé à une fille ou un mec. C’est Juliette Armanet qui disait que dans son album, elle essayait de ne pas mettre trop de genre aussi parce qu’elle voulait s’adresser à des mecs, à des filles pour que tout le monde puisse s’identifier à ses chansons et c’est vrai que dès qu’il y a un pronom fille ou garçon, tu ne peux plus t’identifier indépendamment. Je suis plus dans l’ouverture d’esprit après, je n’irai pas dans des émissions parler d’homosexualité. Pour moi, c’est juste naturel. Peut être qu’en France, ça fait l’impact d’un militantisme, alors qu’au Québec où habite Safia, tout le monde s’en fout, tout le monde est bisexuel, alors qu’ici, quand tu assumes que t’es avec une fille, quand tu ES une fille ou quand t’es un mec avec un mec, publiquement, c’est déjà un pas. Même si la France est censée être un pays ouvert d’esprit, en vrai, pas trop…

L’album « A peu près » est toujours disponible dans les bacs et en streaming.

Pomme sera également en concerts :

20.11.2017 LE TRANSBORDEUR à Villeurbanne

01.12.2017 Stéréolux à Nantes

17.12.2017 THEATRE COMEDIE ODEON à Lyon

21.12.2017 Rocher de Palmer à Cenon

 

An Si