INTERVIEW: On a rencontré GNUCCI et son énergie débordante

Après son passage à l’Institut Suédois le 21 juin dernier, Gnucci était à Paris dans le cadre de sa tournée avec Princess Nokia et Nire le 5 octobre dernier. On l’a rencontré le lendemain matin au saut du lit avant qu’elle ne reprenne la route : entre deux bouchées de raisins, elle nous a parlé de son prochain album, de l’importance d’être rappeuse en 2016, de la scène… Rencontre.

English below

 

Quel rôle donnes-tu as ta musique ?

Ma musique est faite pour être jouée en live parce que c’est là que tu peux faire ressentir les choses aux gens. Tout le monde peut se sentir spécial et je ne fais pas de la musique pour moi, je fais de la musique pour les gens et quand je les vois bouger, réagir à ma musique, cela me fait beaucoup de bien. C’est le principal rôle de la musique, selon moi. Je pense que pour la plupart des gens la vie est dure ; et elle l’est, donc si tu as du talent, un don, tu dois le partager pour que les gens se sentent mieux, prennent la vie plus facilement. On doit être à 100% dans ce qu’on entreprend et c’est ce que je fais.

 

Comment as-tu commencé la musique ? As-tu d’autres passions ?

J’ai commencé la musique en 2010 et j’ai sorti mon premier EP en 2012. Je pense que les gens doivent comprendre que certains artistes ont besoin de temps pour comprendre les rouages de la musique, ça prend du temps et je fais au mieux avec ça. Sinon, j’adore danser et, en fait, je ne fais rien d’autre que de la musique.

 

Qu’est ce que ça représente d’être rappeuse en 2016 ?

Je pense que c’est assez bienvenu aujourd’hui. Des femmes très talentueuses ont toujours été dans le rap, c’est juste l’industrie musicale qui les a rejetées. Je refuse de donner de l’importance à tout ces promoteurs, bookeurs, majors, toutes ces personnes qui pensent qu’ils font la différence. Je préfère donner du crédit à tout mon crew de meufs qui m’entoure, ça, ça fait la différence.

Je pense aussi qu’être une femme dans le milieu de la musique c’est une position à double tranchant, parce qu’aujourd’hui je parle plus du fait d’être une femme que de ma musique. C’est un désavantage pour nous, je pense que les jeunes filles ont besoin d’entendre « c’est super d’être une fille, d’être une femme, quand tu fais de la musique » mais on passe trop de temps à parler de la difficulté que c’est de l’être, alors que c’est incroyable d’être une femme et de faire de la musique.

Je suis une artiste DIY et indépendante. Je contribue à la culture et suis une alternative à ces personnes qui ont beaucoup d’argent et qui viennent déjà du milieu de la musique, des grosses majors gérées par des mecs. Gnucci est indépendante ; j’ai une liberté de création, autour de moi il n’y a aucune domination masculine. Le travail que je fais avec les personnes qui m’entourent est une évidence parce qu’ils sont des amis pour la plupart. Si les gens me supportent, ils supportent tout le reste, mais si vous n’aimez pas, ça sera de ma faute et pas celle de quelqu’un d’autre, je prends toutes les responsabilités.

 

Justement, de qui t’es-tu entourée pour ton prochain album ?  

You good I’m good let’s be great sortira bientôt ; j’ai travaillé avec Kevin Elamrani—Lince sur le prochain single, Xs & OHs. Il mixe beaucoup pour la scène rap française, il est très talentueux. Il a filmé le clip à Paris qui va bientôt sortir.

J’ai besoin que les gens me soutiennent, parce que je travaille énormément. Par exemple, j’ai produit, dirigé et réuni des gens pour Young Paula Adul. J’ai juste besoin de sentir que les gens sont là pour me donner et je donne en retour. Je suis toujours en train de travailler, tu sais c’est comme un premier rencard : on se date quelque part et je suis prête à donner mon travail le plus sensuel et passionné (rires). J’ai besoin de sentir que tu le mérites, c’est juste de l’amour.

 

Parles-nous des artistes que tu écoutes en ce moment ?

J’aime beaucoup OKLOU en France, je l’ai vu en live ici, elle est cool. Il y a aussi Tami T avec qui je collabore et qui est super en live. Je suis en tournée avec Princess Nokia et Nire et tous les soirs elles m’impressionnent, c’est genial de partager la scène avec elles. Nire amuse les gens et elle produit de la musique géniale. Il y a aussi une fille de Berlin, IslamiQ Grrrl que j’ai invité, c’était sa première scène. Elle chante et produit et c’est très beau, léger ce qu’elle fait. Ce que j’aime avec la scène c’est de la partager avec de nouveaux artistes. Les filles doivent aller de l’avant, nous devons être un peu plus agressives, se soutenir. On le fait déjà généralement, mais nous pouvons mieux faire.

 

 

 

Que retiens-tu de tes voyages ?

Ce que je réalise en voyageant c’est que quand tu te retrouves dans une nouvelle zone de confort où tu peux vraiment savoir qui tu es. Tu te retrouves dans un nouvel environnement, une nouvelle culture, avec de nouvelles personnes qui parlent une autre langue. Cela me détend vraiment. Partout où je vais, je me sens bien avec les gens, j’attire de bonnes personnes donc je me sens bien. Avec la musique c’est pareil, ici en France –et j’aime beaucoup la France- les gens qui viennent à mes concerts ne parlent pas toujours anglais et je ne parle qu’un petit peu français, mais nous sommes juste connectés par l’énergie et c’est genial pour moi qu’ils peuvent le sentir.

 

Ok tu aimes voyager, mais il y a surement une chose que tu aimerais changer dans le monde ?

Tout ce putain de monde. Une chose ?.. Je sais pas, c’est difficile de choisir, pas de frontières peut-être. Les frontières représente beaucoup de sang, c’est un système raciste et sexiste.

 

Ton dernier clip, Young Paula abdul, est filmé un peu à la manière d’un selfie ; que penses-tu de cette culture de l’internet, des réseaux sociaux ?

Je trouve ça vraiment beau qu’une personne puisse partager une photo d’elle en se disant qu’elle se sent bien, jolie. Les femmes sont beaucoup enfermées dans une image de norme idéalisée, alors que la norme est partout. Instagram a changé l’idée qu’on se faisait du corps, on voit pleins de corps différents et ça change les gens.

 

  

 

Comment définirais-tu ta relation avec ton public en concert ?

Je suis toujours surprise quand les gens me disent « Je t’ai vu à Bordeaux, Paris ect, je t’adore, j’adore ta musique ». J’essaye de comprendre, mais j’ai tendance à devenir plus fan de mes fans qu’eux de moi ; c’est une relation égalitaire. Je veux qu’ils le sachent et c’est pour ça que je pense que les réseaux sociaux sont utiles, je peux rencontrer mes fans, ils peuvent me dire si ils ont passé du bon temps à mon concert. Je ne veux pas prendre plus de place que mon public. 

 

Tu sembles être une personne incontrôlable sur scène, est-ce vrai ?

Je pense que nous vivons dans un monde incontrôlable et je ne pense pas en faire trop. Tu ne peux pas exagérer dans quelque chose de positif ; je suis une bonne personne et dire que j’ai trop d’énergie alors qu’il y a plus de preneur que de donneur, alors que des gens confondent la gentillesse de certaines personnes qui sont en fait en train de les manipuler. Je crée des musiques avec des émotions et des sentiments !

 

Dans quelle mesure penses-tu que la musique peut être un moyen d’explorer son corps ?

J’aime penser la musique comme quelque chose de charnel ; je pense mon corps comme un outil et c’est ce qu’il est dans un sens : il danse, il fait du bon sexe, il marche, il saute.. Je ne me demande pas ce qu’il renvoie aujourd’hui ou bien si j’ai l’air fatiguée. Cela ne sert à rien parce que tu ne peux pas jouer avec toi-même.

C’est comme l’interdiction du port du burkini, je ne peux pas imaginer comment on peut se sentir une femme musulmane qui se dit “je veux bouger, faire du sport, me sentir libre” et quelqu’un lui répond “non tu restes à la maison” et détruit sa liberté, c’est fou.

 

Penses-tu qu’un nouveau mouvement artistique est en train de naître ?

Je ne peux pas parler pour tous le monde parce que je fais partie d’une scène où tout le monde est différemment le même : nous avons la même manière de penser, les mêmes expressions, la même manière de faire de la musique.. C’est pour ça que je trouve que la tournée qu’on fait est géniale. Nokia, Nire et moi faisons de la musique, promouvons la musique, nous sommes sur le terrain. Nous tenons bon et faisons les choses, mais il faut garder cela free, freaky and féminin, c’est comme ça que je vois la scène dont je fais partie.

 

 

ENGLISH VERSION 

 

What is the main role of your music?

 I think technically it most to be good in live. Because there you have everything you can make people feel.

Everybody have a chance to feel special and I don’t make music for myself. I make music for people and when I see them moving or reacting to my music it becomes bigger than me. That’s the main role of the music for me. Bring something that is bigger, I think for most people life is so hard, and life is, so if you have any talent, or gift, or light, you have to share it to make people feel better or easier for their life. You should go to 100% so I do that.

 

How do you start to make music ? Do you have other hobbies?

 I started making music in 2010, I released my first EP in 2012. I think people need to understand that some artists need time to understand the machine around us, it takes time and I do my best with my music. Other passions? I like dancing a lot. Oh wait.. ? I do anything without working music.

 

What does it mean to be a rap female singer in 2016?

 I think it’s very appreciated, it’s cool to see that, it’s an experience of change ; for all of those have their pain away, and be very loud and aggressive and a change needs to come. Talented women have always be around, it’s just the industry have been so laid, I refuse to give any credit to promoter or club booker, all of these people who think they make the difference. I give credit to all my female pairs, because that is mean the change. Unfortunately, I think it’s like a double thing like I sit here and I talk more about being a women than my music and I think it’s a disadvantage for us. Young girls need to hear that it’s amazing to be a girl, to be a women when you do music, but we are a lot to talk about how hard it could be. But I also have to say that it’s amazing to be a female musician.

I’m a DIY artist and independent, I contributing to culture, I’m an alternative to people who have a lot of money, come to a musical background, major labels with men. I hold all power like Gnucci is a self made, I have all creative control, around me there is no male dominance, it’s a very genuine and effortless makes of perspective and people because most of them are my friends. If you support what I do it means a lot because you supporting everything and if you hate something you know that it’s on me and I think I like that. I take responsibilities from my energy.

 

How will be your next album?

It gonna be name You good I’m good let’s be great. It’s gonna be release early next year, the next single Xs & OHs would be a very French production. The music video is made by Kevin Elamrani-Lince, he mix a lot for the rap French scene, he is so talented. He filmed the clip in Paris, it’s already finished, it’s a waaa video. Now it’s done and it’s going to come up soon. Honestly I need that people support me more, because I put in so much work, for example for Young Paula Adbul, I paid for that, I steered it, I get people together. I just need to feel that’s it’s the moment, like people are “give it to us” and I’m gonna give it to you. I’m still working, you know like a first date, you dating around and I’m about to give my more sensual, and passionnate work (laughs). I need to feel like you deserve it. It’s just love.

 

Can you quote some artists whom you listen to?

 I really like OKLOU in France, I think she’s great, I saw her in live here. With Tami T, she’s somebody that I collaborate with and in her live, you feel things. Also with Princess Nokia and Nire everynight that we’re together I’m impress, it’s amazing to share stages with them. Nire is holding us down, she holds me down she holds Nokia down, she entertains people she produced amazing music. There is also this girl from Berlin IslamiQ Grrrl, I invited this girl for a Berlin gig, because I try to invite local people, it was her first gig, she’s a singer and produce music that is so pretty and airy. I think with lives it’s cool because you can share that platform of new artists. Girl have to be better at push on, we need to be a bit more aggressive, sharing, help and support. We do that in generally between us but we could be better.

 

What do you retain from your travel?

One thing that I realize by travelling , once you take yourself from other comfort zone you can really get to know yourself. You have to interact with a new environment, new culture, new people, new language and then you get really test, how fucking zen am I? And everywhere I go, I connecting with people, I attract good one so I feel good about myself. With music it’s the same thing, here in France (and I appreciate France so much), sometimes people come to my gigs and don’t talk english and I speak un petit peu français, I try, but they are just connect by the energy and that is amazing to me like that they can feel it.

 

 Ok, you like to travel, but is there one thing you would change in the world?

The all fucking world ! One thing… Noooo. I don’t know it’s difficult to choose, no borders maybe. Borders represent a lot of blood, it’s a racist and sexist system.

 

Your last clip, Young Paula Abdul, is filmed like a selfie movie. What do you think about this social media culture ?

I think it’s so beautiful that peolple can share a picture of themselves and be like “I feel very pretty or I feel good about myself, look at me”. As women, we have been bounded by imagery that makes you think about this. There are a lot of different bodies, the norm is everywhere. Instagram has changed the body idea, it changes people, it helps people.

 

How can you define your relationship with your public in live ?

I’m still surprised when people tell me “I saw you in Bordeaux, Paris, ect, I love you, your music..” I’m trying to figure it out but I have a tendency to become a bigger fan than my fans, it’s like an equal relation. I wan to get them know that, that’s why I think social medias are cool, I can meet my fans, they can tell me if they had a good time. I don’t want to be bigger than my public.

 

Sometimes we feel like you’re out of control, is that true ?

I think it’s the world that is out of control ; but it’s not too much, people are too little. You can’t be to much in something positive, I’m a good person so to say that I’m too much of this energy when we are more takers than givers, when people are confusing kindness and people who are trying to manipulate them. I don’t understand why it’s cool to be “blasée”, I work so hard to be happy. I do soundtrack like emotions and feelings I can change the channel of the emotion.

 

Do you think that music can be a way to explore your body ?

Sometimes I like to think my music has a physical thing, I try to think my body as a tool, and I think it is : it dances, it has good sex, it walks, it jumps, instead of think « how does it look today ? I look tired ? ». It’s too much because you can’t perform from yourself. It’s like the burkini ban, I can’t imagine how it feels to be a muslim woman who thinks “I’m gonna be active, sporty, feel free” and somedy is like “No, stay at home, this is for your own freedom », it’s crazy.

 

Do you think a new artistic movement is growing up ?

I can’t speak for all of us cause I’m a part of a scene where everybody is differently the same. We’re have the same mind, the same expressions, the same way to make music and that what I think this tour is sick. Nokia, Nire and Me are very personal we make music, perform music, promote music we’re like hands on, we have the heart on the gun, we still hold on to the kindness and do it fair. But the difference is the norm to try to keep it free, freaky, feminin, that’s how I want my movement to be.